Bonjour les amis, j’espère que vous allez bien, malgré la météo grisaille et les infos moroses ! Je reviens vers vous, comme promis, pour parler un peu de l’un de nos plus merveilleux et plus grands organes sensoriels : le toucher.
N’étant pas neuroscientifique, je vous éviterais un cours complet sur le sens tactile, d’autres sont bien plus compétents pour cela. Mais j’aimerais évoquer avec vous un aspect du toucher qui, dans l’utilisation de CRDL, me semble éminemment important.
A tel point d’ailleurs que les scientifiques s’y sont intéressés et nous ont fourni quelques arguments très importants. Je vous invite à relire (vous le trouverez facilement sue le net) un article de Cerveau et Psycho du mois de février 2016 (n°74) qui relate de cet aspect fondamental dans nos relations interhumaines : le toucher émotionnel !
En utilisant le CRDL dans nos métiers du « prendre soin », c’est ce domaine particulier du toucher que nous éveillons. La façon dont nous touchons la personne que nous accompagnons, mais aussi la façon dont nous recevons son toucher, passe directement dans les fameuses fibres CT, et rejoignent directement notre cerveau émotionnel sans passer par la case néocortex
Avec le CRDL, j’invite l’autre à toucher ma main, ma peau, et ainsi créer un son. Je suis dans une proximité physique (sphère intime) réduite, à seulement quelques centimètres de son corps, nous formons une boucle où le CRDL sert de médiateur sonore, de « pont » entre nos deux corps proches.
Nous sommes dans un toucher « peau à peau », différent du seul geste de se prendre la main pour se saluer. Le contact est plus long, plus intense, presque plus intime.
Or, c’est cette manière de toucher qui va influencer les émotions de l’autre et les nôtres. Nous sommes dans un dialogue émotionnel, et l’instrument va nous aider à nourrir la relation ainsi induite.
L’outil va aussi servir à « briser la glace », par la surprise engendrée (je fais résonner la peau de celui que je touche, j’en fais de la musique, je fais naître un son…), et diminuer le petit « mal-être » que pourrais engendrer ce toucher émotionnel.
Parfois, nous n’aimons pas être touchés, ou nous avons du mal à toucher l’autre. L’utilisation du CRDL, comme le dit si bien Patrice D’Arfeuille, « déculpabilise » le toucher, il lui enlève cette gêne qui pourrait être ressentie, et nous emmène vers une aventure humaine, ludique au début (le rire arrive très vite), puis vers une découverte de notre capacité à communiquer autrement qu’au travers des mots. Parfois même les mots oubliés reviennent à la mémoire, impulsés par l’émotion engendrée. Je voudrais vous raconter une petite anecdote pour illustrer ce phénomène :
Lors d’une formation en EHPAD, j’ai proposé à mes stagiaires de profiter d’un moment de transition entre deux activités (le repas et le début des animations d’après-midi) pour organiser une séance CRDL en groupe, avec les résidents de l’établissement. Nous sommes tous installés au salon, autour d’une grande table, en cercle. Chacun tient la main de ses voisins, je pose l’instrument entre une résidente et moi, et nous commençons à jouer. Au son des bruits de vagues et chants de mouettes, une dame crie « attenti ! Ascolta ! » (Attention, écoute, en Italien). Je l’interpelle « Madame, vous parlez italien ? ». Elle me répond que oui. Après la séance, je vais voir la dame, et je lui parle dans sa langue maternelle. Elle me raconte ses souvenirs de quand son papa l’emmenait à la mer, au pays, de son enfance.
En discutant avec la psychologue (présente pendant la séance CRDL), j’apprends que cette dame ne parlait presque plus, hors insultes et gros mots. Elle est originaire d’Italie, venue en France, en Haute-Savoie petite, vers l’âge de huit ans, avec ses parents, pour ne plus jamais retourner dans son pays natal. Elle a appris le français à l’école. Elle souffre aujourd’hui de la maladie d’Alzheimer, qui lui fait perdre peu à peu sa mémoire et la parole. Mais le bruit des vagues, le son des cris de mouettes lui ont permis de retrouver des souvenirs lointains, liés aux émotions de son enfance, mais aussi la langue qu’elle a apprise dès sa plus tendre enfance, sa langue maternelle, l’italien. Alors que la langue apprise à l’école disparaissait peu à peu, ne devenant plus qu’un moyen de communiquer un mal-être…
Être ensemble, se tenir par la main, faire résonner la peau de l’autre, se toucher autrement que pour se saluer ou pour un soin, avec un instrument qui permet cette proximité sans induire de gêne, de sentiment d’intrusion dans l’intimité (la nôtre et celle de l’autre), permet d’éveiller des émotions parfois bien enfouies dans notre cerveau limbique, de les exprimer, par le regard, le rire, le sourire, d’être acteur de la relation, présent, et parfois même de retrouver les mots pour les dire….
Voilà, pour aujourd’hui, ce que souhaitais vous apporter. N’hésitez surtout pas, si vous avez des questions, des interrogations, des expériences à nous partager, des discussions à engager…je me ferais un plaisir d’échanger avec vous !
Pour la semaine prochaine, que souhaitez vous aborder ? Si vous n’avez pas encore d’idées, je vous proposerais peut-être de parler de séance individuelles versus séances en groupe ?
A très bientôt, au plus tard lundi prochain…
Très belle semaine à vous tous,
Bye bye…
Marie